Dans le jardin féérique du prince William (le vrai) au milieu des Arts Flo (raux)

Thiré, Sud-Vendée, même pas 600 habitants. Ceci ne sera pas complètement un article musical (ou à la marge. Envahissante, tout de même, la marge!) mais plutôt touristique, comme un récit d’un lieu où souffle l’esprit, celui de la nature et celui des arts: le même?

Ana Vieira Leite et Julie Roset chantent des madrigaux italiens. Avec théorbe, viole de gambe et clavecin  © Julien Gazeau



Il y a donc, durant une semaine de la fin d’août (avec relâche le lundi où l’on va à la plage), dans ce village minuscule du Sud vendéen (jolies maisons de belle pierre blanche), une agitation spectaculaire, des musiciens, des conférenciers, des chanteurs, du public mais surtout, plus important encore, des jardiniers dont certains se prêtent au jeu de la conférence. A cette occasion on découvre aussi les différentes hiérarchies de la profession, jardinier artiste, jardinier du Bâtiment, jardinier des espaces verts, paysagiste, botaniste. Ne me demandez pas les différences. Ah! oui: il serait encore plus facile de donner le nom du festival, pour bien situer les choses. Cela s’appelle “Dans les jardins de William Christie”

Tout est presque dit. On est donc chez le patron et fondateur des Arts Florissants, groupe désormais légendaire de la musique baroque (et qui a désormais sa fondation) Et bien sûr il y a de la musique, et quelle musique! Oui mais il serait dommage de venir ici si vous n’êtes réceptif qu’à l’air des villes, du bitume et de l’asphalte. Et vous vous feriez incendier par le maître des lieux. Un William Christie qui acheta le logis en 1985, à peine quadragénaire et déjà passionné par cette musique française des XVIIe et XVIIIe siècle au point de prendre racine dans cette maison qui, sans être une ruine, n’était pas vraiment en bon état.

Chantons sous la pluie, mode d'emploi © Julien Gazeau

C’était, semble-t-il, la métairie d’un château, de nobles huguenots qui avaient dû s’exiler avant que la demeure , tout en longueur (en Normandie on dirait une “longère”), ne devienne une sorte de refuge agricole pour une famille assez aisée. Christie eut un coup de coeur, mais surtout, sans doute, en devinant ce que l’amoureux des jardins qu’il était déjà pouvait faire des entours.

Le résultat est là depuis 12 ans, avec un public de plus en plus nombreux qui va déambuler tout l’après-midi dans ce jardin transformé en parc, ou dans ce parc redevenu jardin, avant le concert du soir, ici ou ailleurs (l’église de Thiré, en réfection, laissant place à celle, ravissante et romane, du village voisin de Saint-Juire-Champgillon) Cela commence, bien sûr, par la présentation des lieux, mais côté botanique, avec les jardiniers devenus conférenciers et qui, tous, ont leur “angle d’attaque” On passe ainsi de l’escalier en trapèze inventé pour les espaces verts par un Italien dont j’ai oublié le nom au pigeonnier encore en fonction qui borde le “jardin rouge”, d’un exposé sur l’affreuse pyrale, ce papillon dévoreur de buis dont, en relation avec les autorités agricoles, on surveille la prolifération comme le lait sur le feu en les prenant à un piège de glu (“quand il y en a deux comme aujourd’hui, aucun problème. Quand il y en a 20, on passe en alerte”) Et l’on déambule ensuite dans chaque espace admirablement ordonné (y compris par rapport aux autres) dont les plus beaux sont sans doute ceux consacrés à l’art topiaire (cet art de tailler les buis et les ifs dont le plus fameux exemple est à Villandry) mais le potager, le verger, le théâtre de verdure, le pont chinois (dans le parc, enjambant un ru sorti de nulle part), l’arche à la “Hubert Robert” (le fameux peintre des ruines), la serre, la pinède (magnifique plantation de pins parasol), ne sont pas mal non plus.

Du côté du pont chinois  © Julien Gazeau

L’art topiaire. Mais avec William Christie tout est toujours surprenant. Il y a des cabochons, des losanges, des figures géométriques, oui. Mais tout à coup une sorte de vague taillée, comme si, sur un visage végétal, on faisait onduler une mêche de buis. Ou ces chapeaux d’if qui rappellent la forme des pagodes chinoises (souvenir du Ravel de “Ma mère l’Oye” et de sa “Laideronnette, impératrice des pagodes”?) . Ou ces colombes, elles reconnaissables (ce ne sont pas des canards), justement prenant leur envol devant le pigeonnier. La beauté des arbres, du cadre, les surprises de la déambulation, nous font cependant inlassablement revenir à ces sculptures que William Christie surveille avec un soin jaloux au point que, dans l’entretien qu’il a accordé aux quelques journalistes que nous étions, lui s’exprimant avec un flegme imparable sur la musique -les recherches qu’il continue de faire à la Bibliothèque Nationale (et dans d’autres) pour faire sortir de l’oubli tous ces musiciens français “intéressants” qui dorment d’un profond sommeil (“une centaine ici et, en Italie, c’est probablement un millier)-, c’est sur une intervention végétale que la voix gronde, quand une consoeur évoque le pigment marronnasse d’un arbuste, “impossible. Je vous assure. Impossible!” On nous a dit que Christie, entre deux concerts parisiens, était capable de faire 800 kilomètres dans la journée pour aller arroser et surveiller son cher jardin.

Mais on en voit le résultat. Et c’est un nullard en botanique qui vous l’écrit.

(J’allais oublier l’exquise roseraie et le parfum merveilleux de certaines roses. Malheureusement pas celles, ravissantes mais sans odeur, qui sont jaunes piquetées… de rose. Et tiens, on a oublié de demander à Christie s’il avait une rose à son nom)

La suite, plus musicale, au prochain article. Le temps que je traverse la cour d’honneur, sous l’ombrelle des pins.




Festival “Dans les jardins de William Christie”, du 24 au 31 août à Thiré (Vendée)

A l’occasion des Journées du Patrimoine, le domaine de Thiré sera ouvert à la visite les 21 et 22 septembre. Notez-le.

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Chez William Christie, des saules pleureurs et Orphée en larmes.

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