La 30e Folle Journée de Nantes retourne à ses origines

Déjà 30 ans! Comme si c’était hier… La “Folle journée” de Nantes commence ce mercredi et revient à ses origines, toujours avec René Martin comme maître d’oeuvre et le risque de battre des records de fréquentation pour ce qui demeure la plus grande manifestation française de musique classique. Décryptage…

A Nantes, le théâtre Graslin. D.R.



Aux origines… Vaste programme! Et parfois obscur. Mais, disons-le, ce n’est pas forcément très grave puisque les oeuvres seront au rendez-vous, magnifiques, et qu’on n’ira pas les écouter avec, toujours, des références musicologiques en tête.

Les origines de la musique, commence à expliquer René Martin -pour ceux qui ne le sauraient pas l’homme-orchestre de ces “Folles journées” nantaises, le concepteur tout-puissant de 29 ans de bonheurs passés-… c’est Bach. Ah! cher René, il y en eut d’autres plus tôt, et sans remonter jusqu’à la Grèce antique… Suite du concept: les écoles nationales et on y voit plus clair. Elles ont fait l’objet d’une “Folle journée” ultérieure et toutes ont éclos au XIXe siècle, russe, tchèque, roumaine, danoise, hongroise, finnoise, norvégienne, prenant aussi un nouvel essor au Portugal et en Espagne. On saisit mieux.

Mais il y aura aussi la naissance des formes: la sonate (Scarlatti, Bach), le quatuor à cordes (Haydn), le concerto (Vivaldi) et pour piano (Mozart). La symphonie (on ne sait plus), la mélodie (oh! la!la! depuis que l’homme chante. Sans oublier la femme) Et puis les instruments: sans parler de la flûte et de la harpe (le souffle grec ancien, que seul Mozart sut réunir), le monde arabo-musulman qui fit naître des instruments si proches de la guitare et de la mandoline. Et les premiers violons, les épinettes ancêtres du piano, le saxophone. Les percussions si nombreuses au XXe siècle et que l’Afrique connaissait depuis bien longtemps.

Et ceux qui, avant nous, sur cette planète, créaient le son: les oiseaux. Messiaen, Schumann mais aussi le Finlandais Rautavaara. Suivent aussi dans l’esprit de René Martin la ou les filiations avec de nouveau Bach. Oui, certes… peut-être y ajouterait-on Chopin, Debussy, Beethoven plus tôt. Question d’intuition ou de ressenti. Aussi des “oeuvres fondatrices”: le “Pierrot lunaire” de Schönberg cité par René Martin, on adhère bien entendu. Mais “Les 4 saisons” du cher Vivaldi, on ira les entendre avec une autre oreille.

En fait il va s’agir aussi (on n’ose dire “avant tout”) de réunir en une seule “Folle journée” tous les compositeurs des 29 précédentes. Comme si lesdites origines avaient duré ces 29 ans et qu’un nouveau cycle s’ouvrît cette année. Debussy et Rachmaninov, Chopin et Corelli, Schubert et Sarasate mais aussi Frank Bridge et Jean Cras, et Gershwin, et Bizet, et Josquin des Prés (où est-il, Josquin des Prés?), Grieg aussi (son “Petit oiseau”, en tout bien tout honneur ) Et Hayashi, Weinberg, Nystedt et Marin Marais. Tiens, on avait déjà entendu ici Joseph Achron, lituanien et juif dont la date de mort, 1943, résonne de manière lugubre? Eh! bien non: Achron avait émigré aux Etats-Unis, dès 1925, ayant compris que l’antisémitisme européen allait être le terreau de plus terribles horreurs.

Façades nantaises D.R.

Il y aura aussi “La Moldau” du cher Smetana qui est vraiment une oeuvre des "Origines” puisque les deux flûtes qui en jouent les premières notes sont vraiment les sources mêlées de la rivière.

François-Frédéric Guy, Deborah Nemtanu, Anne Queffelec, Romain Leleu, Abdel Rahman El Bacha, Victor Julien-Laferrière et Alexander Malofeev, Jean-Marc Luisada. Des habitués, jeunes ou vieux. Mais aussi des plus novices, des découvertes. Il manque aussi ceux qui étaient aux origines, un Boris Berezovsky, disqualifié par ses déclarations sur l’Ukraine. Ou Brigitte Engerer, la si fidèle pendant des années, et son rire, qui fut à Nantes jusqu’aux limites de ses forces. Et puis certains qui reviennent parfois, qu’on a découvert ici, un Renaud Capuçon remplaçant au pied levé Augustin Dumay dans le “Concerto pour violon” de Brahms. Démarrage fulgurant d’une carrière, suivi du petit frère, Gautier. Toute la “bande à Capuçon” dont Nicholas Angelich, autre regretté fidèle. Souvenirs souvenirs… Déjà 30 ans.

Mais aux origines il y avait un public à conquérir. Après les premières éditions consacrées à Mozart, Beethoven et Schubert, on se souvient que René Martin avait programmé Brahms, se demandant si ce n’était pas déjà un pari. Oui, cher René, mais pari réussi, qui a fait d’une région, d’une ville, d’un pays peut-être, une terre de mélomanes le temps d’une semaine. Et un peu plus. Faisant confiance les yeux fermés à toutes les découvertes. Et des records de fréquentation battus. Et ces échanges qu’on entend à l’entrée des salles, comme à Avignon pour le théâtre, où, parmi les 300 concerts, on a écouté untel ou unetelle. Jamais les mêmes. Mais le plus souvent avec les yeux brillants et le sourire aux lèvres. Y compris quand il s’agit des plus jeunes, classes en rang serré ou avec papa et maman. Aux origines… il y a aussi la jeunesse et de futurs musiciens.



Folle journée de Nantes, 30e édition: “Les origines”. Grand Auditorium et Cité des Congrès de Nantes (44000) , du 31 janvier au 4 février.



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