Philippe Jaroussky en habit d’académicien

Nouvelle saison de l’académie Jaroussky qui, après la promotion Brahms, accueillera la promotion Nadia et Lily Boulanger. Retour, bien tard, mais pour donner une idée de ce dont il s’agit, sur le concert de clôture de l’ ”année Brahms” en juin dernier.

Nemanja Radulovic, Anne Gastinel, François Boulanger, l'orchestre  © Bernard Ruault




Mais d’abord des détails techniques essentiels pour tous les amateurs, car, sur réservation, les masterclass de la nouvelle promotion sont publiques. En voici le calendrier (puisque je ne pourrai y assister et vous en faire l’écho) en précisant que c’est à la Seine musicale à Boulogne, sur l’île Seguin, les après-midi: Cédric Tiberghien et cinq jeunes pianistes le 16 septembre, Philippe Jaroussky et 6 chanteurs le 17, Anne Gastinel et cinq violoncellistes le 19, Nemanja Radulovic et cinq violonistes le 20 septembre. Et concert de présentation le 18 septembre, attention, à 19 heures!

La présentation de la promotion, outre d’entendre ces déjà virtuoses accomplis à qui, on le souhaite pour eux, ne se profile plus qu’une carrière internationale (ils ne sont pas uniquement français), inclura aussi, ce qui fait une des originalités de l’Académie, de donner à de jeunes “Apprentis” (ils ont entre 7 et 12 ans) la possibilité pendant trois ans de faire et découvrir la musique et sa pratique, en leur prêtant un instrument -bien entendu il s’agit d’enfants qui sont éloignés a priori de l’idée de la musique et de la manière dont elle s’apprend.

Baptiste Bonfante  © Bernard Ruault

Pour les jeunes musiciens plus chevronnés, une nouvelle session publique fin décembre (du 16 au 20) les verra “s’attaquer” aux compositrices; et une autre session en mars (du 24 au 28) sera dédiée à la musique de chambre, leur donnant donc l’occasion de jouer entre eux. Le grand concert avec orchestre sera le 13 juin 2025, renouvelant l’expérience de 2024 à laquelle j’assistai, le seul à jouer seul (car il faut bien que les professeurs mouillent aussi la chemise -ou le chemisier) étant Cédric Tiberghien - “Feux d’artifice” du 2e livre des “Préludes” de Debussy.

Jaroussky était, lui, impeccable, évidemment, dans le fameux “Vedro con mio diletto” du “Il Giustino” de Vivaldi. Et Nemanja Radulovic et Anne Gastinel avaient eu la curieuse idée de se partager le “Concerto pour 2 violons” de Bach, mais avec le violoncelle pour… quelle partie? Réservant (chacun des participants se contentant d’un mouvement de concerto sans quoi la soirée eût duré 5 heures et demie) à Grégoire Torossian et Georges Barré un beau final du “Double concerto” de Brahms -Gastinel et Radulovic auraient pu d’ailleurs en jouer le mouvement lent.

C’est peut-être le voloncelle qui m’a le moins séduit, à cause surtout des oeuvres choisies. Krzysztof Michalski était un peu pâle dans ce "Concerto” d’Elgar que je n’aime guère (mais le mouvement lent est assez beau) et Rafael Arreghini n’a pas réussi à rendre très intéressant le “Concerto en la” de Carl Philip Emanuel Bach. Le beau “Concerto” de Lalo était bien rendu par Romane Bestautte mais c’est l’ardeur et l’engagement de Pauline Bourdon qui ont vraiment séduit dans quelques-unes des “Variations Rococo” de Tchaïkovsky auxquelles, pourtant, je suis d’habitude assez insensible.

Mariam Mnatsakanyan  © Bernard Ruault

Un peu les mêmes réserves sur les oeuvres choisies par les violonistes: Anny Chen ne montre que sa virtuosité dans la “Fantaisie brillante sur Faust” de Wienawski et Mariam Mnatsakanyan ne peut mettre dans la “Symphonie espagnole” de Lalo (encore!) un sentiment musical qui ne s’y trouve pas. Mais Toma Bervetsky se tire très bien des pièges du “Concerto” de Sibelius. Quant à Nika Toskan, brillante dans la “Carmen Fantaisie” de Sarasate, même commentaire que pour Wienawski plus haut…

Un beau “Der Wanderer” de Schubert par le baryton Baptiste Bonfante. Deux Mozart: le “Temerari… come scoglio” de Fiordiligi dans “Cosi fan tutte” par Elsa Roux-Chamoux et, par le ténor Antonin Rondepierre, le “Dalla sua pace” de Don Ottavio” dans “Don Giovanni. Airs bien chantés mais il faut incarner maintenant! Il est vrai qu’Ottavio n’est pas le personnage le plus passionnant du corpus mozartien. Et celle qui séduira le plus dans sa robe rouge est Julie Goussot dans “Thaïs” de Massenet: “Dis-moi que je suis belle”. Oui.

Joseph Birnbaum © Bernard Ruault

Voici enfin mon cher piano. Dans l’ordre un juste “3e concerto” de Bach, le mouvement lent bien ressenti par Joseph Birnbaum. Et deux Mozart encore. Le final du “Concerto pour deux pianos” où Hyunhee Lee et Guillem Aubry s’envoient de sages réponses, sages mais sensibles et pleines de musique. Tom Carré serait très bien dans le magnifique mouvement lent du “23e concerto”, élégant et pudique, mais il donne le sentiment d’un ennui qui ne se retrouve pas dans son jeu, comme s’il rêvait de Rachmaninov ou de Liszt pour prouver son talent. Cher Tom, tout les grands vous le diront, Mozart, c’est le plus difficile. A moins de s’attaquer à un morceau qui n’est fait que de pirouettes, le final du "2e concerto” de Saint-Saëns, et réussir à lui donner toute la profondeur du monde sans rien sacrifier à la virtuosité: c’est ce que fait la fine Bella Schütz. Bravo à elle!

A la tête de l’excellent orchestre de la Garde Républicaine, un François Boulanger très attentif. C’était son dernier concert à la tête de cette formation qu’il aura fait briller. On espère le retrouver ailleurs, en costume civil.

Quant à tous ces musiciens, guettez leur nom.



Concert de la promotion Brahms de l’académie Jaroussky: oeuvres de Mozart, J.S. et C.P.E. Bach, Vivaldi, Elgar, Sibelius, Schubert, Lalo, Saint-Saëns, Debussy, Sarasate, Wieniawski, Massenet, Tchaïkovsky et Brahms. La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt, le 14 juin.

















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